la voix de l'océan
Novecento,
Il y a des projets qui arrivent comme des cadeaux inespérés. Lorsque notre petite agence a été sollicitée pour imaginer l’affiche du Novecento d’André Dussollier, une douce effervescence a parcouru l’équipe. Dussollier… sa présence au cinéma illumine l’écran, mais c’est au théâtre que sa voix prend une dimension surnaturelle. Je me souviens encore de sa joute verbale avec Niels Arestrup dans Diplomatie.
Et puis, il y avait Novecento, ce bijou théâtral d’Alessandro Baricco dont la lecture m’avait plongée dans une sorte de mélancolie poétique. Un pianiste prodige né sur un transatlantique, ne connaissant du monde que l’étendue de l’océan et les 88 touches de son instrument.
Monsieur Dussollier, homme de théâtre passionné et méticuleux, souhaitait s’impliquer personnellement. Il voulait que l’affiche porte l’âme de sa création, il devait nous rencontrer. C’est ainsi qu’un après-midi, il a franchi le seuil de notre agence. Cette visite représentait un évènement en soi, improbable.
Mais l’intensité est rapidement montée d’un cran. Mes collègues ne connaissaient pas Novecento, ils devaient comprendre.
Alors, autour de notre table de réunion, dans un silence respectueux et attentif, André Dussollier nous a raconté l’histoire. De sa voix chaude, puissante, bondissante, passant du rire à la mélancolie, il a fait surgir Danny Boodmann T. D. Lemon Novecento.
Le temps s’est suspendu. Ses yeux balayaient nos visages, captivant chacun, nous offrant une interprétation vibrante et généreuse. L’imagination s’emballait, l’océan s’invitait, les notes de jazz saturaient l’atmosphère.
De cette première rencontre est née une envie. Monsieur Dussollier nous a confié la création de son affiche. Quelque temps plus tard, il est revenu, accompagné de son habilleuse et d’un photographe. Il allait incarner le trompettiste de Novecento. Notre agence n’était pas vraiment équipée pour une séance photo. L’authenticité de l’homme a pris le relai et c’est dans les toilettes de l’hôtel industriel qui abritait nos bureaux, qu’il s’est changé, tout simplement.
Des mois plus tard, l’affiche a vu le jour, à l’image de l’inspiration insufflée par une voix gourmande et passionnée. La pièce, qui lui a valu le Molière du meilleur comédien, nous a enchantés. Mais la grande magie, c’est autour de notre table de réunion que je l’ai ressentie. Merci Monsieur Dussollier.
Anne Chicoteau / 06.2025