La méhari

Maman roulait en Méhari rouge, et ça faisait des envieux quand elle nous accompagnait à l’école. Cette voiture était fabuleuse : l’été, les portières avant laissaient leur place à une simple petite chaîne. La banquette se rabattait et l’espace arrière accueillait régulièrement de nombreux enfants. Bien sûr, il faut replacer tout cela dans les années 70, la réglementation en matière de sécurité routière était moins stricte qu’aujourd’hui. L’hiver, la Méhari retrouvait son habillage intégral en toile noire et plastique transparent. Il fallait changer souvent les fenêtres en Plexiglas semi-rigide, le matériau étant assez fragile et sujet à l’opacité. Les bâches latérales étaient posées sur une simple structure tubulaire, et tenues par de petites sangles en cuir, l’aération était optimale. Maman s’équipait de sa « peau de bête », un manteau marron en mouton retourné, et de gants de pilote de F1… nous, on avait un peu froid, mais je crois me souvenir que quelques plaids étaient tout de même à notre disposition.

Papa aimait beaucoup conduire la Méhari pour aller à l’étang, et emprunter d’étroits chemins boueux, griffant les fameuses fenêtres en Plexiglas. Il la menait à rude épreuve, « une voiture doit passer »… 

La Mé, elle aussi avait un surnom, était donc traitée avec une certaine « virilité », bien qu’elle n’eût du 4×4 qu’une lointaine ressemblance. Un jour, alors que Maman était au volant de sa “chère petite”, les gendarmes la prient de se garer sur le bas-côté de la route. Contrôle de routine : les papiers du véhicule, le permis de conduire « j’ai dû les laisser dans mon autre sac à main », les portières, les ceintures de sécurité « la voiture n’en possède pas, c’est le modèle qui veut ça », les vitres opaques « oui, on doit bientôt les changer, le matériau est très fragile » et les rétroviseurs, en option peut-être ? Maman glisse la main sous le siège passager, en retire triomphalement ses 2 rétros et lance avec peut-être une petite pointe d’arrogance « ah, là, je vous demande pardon : ils sont là ! »

Anne Chicoteau / 04.2024

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