Sans Rendez-vous
Quand le traditionnel réveillon du Nouvel An nous plonge dans le désarroi …
C’est cette angoisse qui m’a assaillie, il y a exactement 15 ans, pendant les fêtes de fin d’année. J’étais seule, dans mon cœur. Nous avions fêté Noël en grande pompe, nous retrouvant tous en Anjou, dans ma famille. De longues tablées abondamment garnies, des montagnes de cadeaux, le monde refait cent fois autour d’une tisane, avant d’aller dormir. Et puis, le retour à Paris, sans mes enfants, un 31 décembre. Je n’avais donné suite à aucune invitation, bien décidée à me coucher de bonne heure avec un bouquin soporifique, couper le téléphone, sombrer avant minuit, être le lendemain.
Ce programme n’était pas du goût de tous et un ami m’a trainée hors de chez moi, juste pour casser une graine, une pizza tout au plus. Une douche rapide, une petite robe et un peu de maquillage. J’étais touchée par sa démarche et il n’était pas question de lui imposer un tête-à-tête avec un bout de papier mâché.
La soirée ne s’est pas arrêtée là, je me suis laissée convaincre, je l’ai accompagné chez ses amis. Je ne connaissais personne, ça me convenait bien. Nous nous sommes retrouvés dans un minuscule logement à Opéra, il y avait beaucoup de monde. Les filles finissaient de se préparer. Dans l’appartement voisin, toutes portes ouvertes, un homme jouait du piano, des coupes de champagne étaient à la disposition de qui voulait. L’ambiance était douce, je me sentais bien au milieu de tous ces inconnus à l’humeur festive. Puis, il y a eu un mouvement vers la sortie, nous allions tous passer le réveillon ailleurs, j’ai suivi, sans réfléchir.
Nous avons été accueillis par un couple charmant, dans un loft étonnant : le salon était tapissé de miroirs et une barre de pole dance était fixée au beau milieu de la pièce. Il y avait des gens de tous horizons, certains assez excentriques et tous tellement chaleureux. J’ai échangé quelques mots avec les uns et les autres, me sentant malgré tout plus proche de mes amis d’une heure. Un homme était là, beau brun au regard clair, il ne semblait pas tout à fait dans son élément. Comme moi, il ne connaissait personne, comme moi, il ne savait pas bien ce qu’il faisait là. Instinctivement, nous nous sommes rapprochés. On alternait entre le bar où le champagne coulait désormais à flots et une incroyable terrasse où l’on pouvait se rafraîchir, fumer une cigarette en profitant d’une vue imprenable sur tout Paris. Une bande de géantes dansaient en haut, elles étaient drôles, mais aucune ne parlait français. Je me souviens avoir remarqué leurs mollets musclés, en me demandant d’où elles venaient. On ne se comprenait pas, mais elles avaient définitivement tordu le cou à ma morosité. Nous avons fait la fête jusqu’au petit matin.
Destin ou heureux hasard ? Cela fait 15 ans que nous traçons notre chemin, main dans la main. Alors, je pense à une de ces petites phrases pleines de sagesse « Fais confiance à la vie, elle est moins bête que toi »… Gardez-la en tête pour les mauvais jours !
Anne Chicoteau / 01.2025